L’histoire des Comics à travers les âges

Les âges des comics américain, qu'est-ce que c'est ?

En parcourant le blog Lecture DC, tu as dû remarquer que je parle de l’ordre de lecture de l’âge moderne DC Comics. Mais pourquoi je parle d’âge moderne ? C’est quoi les “âges” dans les comics et particulièrement dans les DC Comics ?

Les âges de l’histoire des comics sont communs pour les différents éditeurs américains (DC, Marvel et d’autres) et tu verras que l’éditeur DC Comics a joué un rôle très important dans la définition de ceux-ci.

Cet article te donnera les connaissances pour mieux te repérer dans tes lectures et tes achats, en plus de t’apporter quelques anecdotes importantes.

L'histoire des comics avant les Super-héros (1842-1938)

L'âge Victorien des comics (1842-1897)

Entre 1842 et 1897, les comics strip débarquent d’Europe pour être publiés et imprimés sur les journaux américains durant l’âge Victorien des comics. La production sous le format comics US est très limitée au début de cette période à cause du prix, c’est pour cela que les publications se retrouvent en très grande majorité dans les journaux généraux.

Vers 1895, la technologie progresse notamment avec l’apparition des comics strip en couleur et certains médias déclenchent une féroce compétition pour attirer les lecteurs en publiant des cartoons et comics dans leurs journaux “classiques”. C’est notamment le cas de Joseph Pulitzer (oui celui du très reconnu prix Pulitzer) avec son journal New York World et de Richard F. Outcault avec son journal New York Morning Journal, qui se sont littéralement lancés dans une guerre commerciale, avec entre autre des vols d’équipe.

New York World, journal de noël 1899
Couverture du New York World, journal appartenant à Joseph Pulitzer, noël 1899
Source : Wikipedia

L'âge Platinum des comics (1897-1938)

L’âge Platinum est principalement caractérisé par l’introduction d’éléments clés des comics de masse américains. La couleur est de plus en plus présente, les personnages sont de plus en plus récurrents, et les journaux intègrent de réelles sections comics strip, à l’instar des “Sunday comics” appelés également “Sunday funnies” ou funny papers, car principalement axés sur l’humour.

C’est également durant cet âge que le format comics US et les séries apparaissent au fur et à mesure. L’innovation provient de Gustave Verbeek qui écrit entre 1903 et 1905 sa propre série “The UpsideDowns of Old Man Muffaroo and Little Lady Lovekins” avec un modèle différent des journaux d’informations.

L'arrivée des Super-héros : les âges majeurs les plus connus

Les âges majeurs des comics.
Les âges majeurs des comics.

L'âge d'Or des comics (1938-1956)

C’est en 1938 que débute l’âge d’Or, notamment grâce à l’arrivée des Super-héros dans un contexte de seconde guerre mondiale. Que cela soit chez Detective Comics (ancêtre de DC) ou chez Timely Comics (ancêtre de Marvel) et d’autres maisons d’édition, tout le secteur crée ses Super-Héros, car c’est ce qui marche en plus d’être un excellent outil patriotique.

Il est communément admis que l’âge d’Or des comics a débuté lors de la publication chez DC de l’Action Comics #1 racontant les débuts de Superman.

Superman, Action Comics #1
Première apparition de Superman dans Action Comics #1 en 1938

Après la Seconde Guerre mondiale, le contexte a été un peu chaotique pour les comics. La très grande popularité durant les années 40 du genre Super-héros s’estompa pour être peu à peu remplacée par d’autres genres, notamment de l’étrange, de l’horreur, du western, mais surtout par de l’humour.

Beaucoup de séries iconiques furent arrêtées et remplacées, comme Aquaman, Green Arrow, Green Lantern ou encore Flash chez “DC Comics”, Human Torch ou Captain America chez “Marvel”.

Les guillemets sont importants pour parler de ces deux éditeurs emblématiques, car il faut bien comprendre qu’à cette époque, il existe une multitude de maisons d’édition qui possèdent un ou deux Super-héros. Au fil des décennies, ils auront disparu ou seront intégrés dans les grandes franchises DC Comics ou Marvel.

Ces éditeurs vont connaitre la première “crise” de l’histoire des comics vers 1953. En effet, les États-Unis vont enquêter sur la délinquance juvénile et publier un rapport en 1954 qui prétendait que les comics suscitaient des comportements illégaux. Cette fameuse multitude d’éditeurs vont avoir l’obligation de témoigner lors d’audiences publiques et à partir de là, la Comics Code Authority va être créée par ces éditeurs pour qu’ils s’autocensurent, craignant une plus forte réglementation de l’état. Le code de 1954 qui permet l’autocensure des comics concerne les représentations graphiques de la violence et du gore dans les comics de crime et d’horreur, mais également les insinuations sexuelles.

Tu imagines bien que ces décisions ont eu un impact énorme sur l’industrie du comics. Malgré une “résistance” de certains éditeurs, il faut bien comprendre que dans certaines grandes villes, il y a eu des événements organisés pour les interdire ou même les brûler sur la place publique[1], rappelant un événement similaire en Allemagne.

L'âge d'Argent des comics (1956-1970)

Après l’énorme déclin des Super-Héros à la fin de la Seconde Guerre mondiale suivi de la vague de changement imposée par la Comics Code Authority, les éditeurs de comics se sont de nouveau intéressés aux Super-Héros.

C’est grâce à DC Comics et sa nouvelle version de Flash dans le Showcase #4 (octobre 1956) que l’âge d’Argent a pu démarrer.

Flash Showcase #4
Couverture de Flash Showcase #4 en 1956

À ce moment, seuls certains Super-Héros majeurs possédaient encore leur propre série régulière, et ils se comptent littéralement sur les doigts d’une main : Superman, Batman, Wonder Woman, Captain Marvel et Captain America.

Grâce à DC Comics, qui a recommencé à publier davantage de titre Super-Héroïque pour suivre la forte demande, puis à Marvel qui emboita le pas avec The Fantastic Four #1, les comics de Super-Héros revenaient sur le devant de la scène.

Il y a deux caractéristiques importantes à propos de l’âge d’Argent.

La première est que la science-fiction et les aliens remplacent la magie et les dieux. De nombreux écrivains et artistes étaient des fans de science-fiction et des éléments scientifiques ont été ajoutés petit à petit dans les histoires pour devenir la norme commune expliquant l’origine des Super-pouvoirs.

La seconde est le développement plus abouti des personnages. Entre les nouvelles origines et les nouveaux personnages aux pouvoirs extraordinaires, la majorité des Super-Héros créés durant l’âge d’Argent deviendront des icônes et figures durables des comics. Pour cité les plus connus par ordre de création : Martian Manhunter, Supergirl, Hal Jordan en tant que Green Lantern, Atom, Fantastic Four, Hulk, Dr. Doom, Spider-Man, Thor, Ant-Man, le très célèbre Iron Man, Doctor Strange, les X-Men, création des Avengers, Daredevil, Teen Titans et Batgirl.

Porté par l’essor du mouvement artistique pop art et de nombreux artistes talentueux tel que Jack Kirby, Archie Goodwin ou le “peu connu” Stan Lee, l’âge d’Argent des comics a laissé un héritage important en plus d’une certaine nostalgie parmi les plus anciens lecteurs.

« Si vous continuez à ressusciter les héros de l’âge d’or, dans vingt ans les gens parleront de cette décennie comme des sixties d’argent ! »

Lettre d’un lecteur en février 1966 en lien avec la politique de DC Comics. Tout le monde s’empare de l’expression. [2]

L'âge de Bronze des comics (1970-1985)

A cette période de l’histoire des comics, il n’y a pas un évènement en particulier qui amorce la fin de l’âge d’Argent et le début de l’âge de Bronze, mais plutôt plusieurs en 1970, qui ensemble ont instauré cet âge.

Tout d’abord le numéro de Green Lantern d’avril 1970 où le Super-Héros est confronté, avec Green Arrow, à la pauvreté, aux ravages de la drogue et au doute. Ce numéro a été une rupture, le départ d’un changement de ton par rapport à l’âge d’Argent.

Jack Kirby New Gods
Jack Kirby New Gods 1971, une des histoires de Fourth World.

Ensuite, toujours en 1970, Jack Kirby met fin au partenariat créatif avec Stan Lee (un des plus importants de l’âge d’Argent) et quitte la maison Marvel pour la maison DC. C’est alors qu’il va créer la série de comics The Fourth World, qui est l’oeuvre majeure qui marque l’entrée de DC dans l’âge de Bronze.

À cela s’ajoute, les départs à la retraite de nombreux auteurs et artistes, ou des promotions à des postes de directions, qui vont considérablement restructurer les équipes créatives en mettant en place une jeune génération d’artistes et de créateurs.

C’est le cas de Superman qui va être remodelé à cause d’un changement majeur de son équipe créative due à un départ à la retraite. Du coup, ses pouvoirs presque infinis vont être considérablement réduits et la plupart des éléments à base de kryptonite supprimés de la continuité, afin de rendre le personnage plus intéressant.

Le marché des comics va également évoluer : en plus de se diversifier avec des titres “non-superhéros”, le média de masse bon marché va se transformer au fil du temps en produit plus coûteux pour un public spécialisé. Ce changement permettra à de petits éditeurs d’entrer sur un marché dominer par quelques grands éditeurs.

L’âge de Bronze sera caractérisé par une plus grande conscience sociale dans les histoires à travers le traitement de sujet difficile comme l’alcoolisme, le racisme ou la maltraitance/travail des mineurs. Cela a d’ailleurs permis la création de Super-Héros issus de minorités comme Black Panther, Shang-Chi ou Cyborg.

Deux évènements majeurs ont marqué cet âge : la collaboration entre DC Comics et Marvel Comics sur des crossovers (“Superman VS. Amazing Spider-Man”, “Batman VS. Incredible Hulk”, etc.) et le DC implosion.

Avec le changement du marché des comics cité ci-dessus, vers 1976-1978, l’éditeur DC Comics a décidé de changer son offre avec la “DC Explosion”, entrainant l’augmentation du nombre de titres, du nombre de pages et du prix de ses séries, en ajoutant beaucoup de bonus. Le problème est que DC a largement surestimé l’intérêt des lecteurs et les ventes ont tellement chuté que l’éditeur a failli se ruiner, entrainant l’industrie du comics dans sa chute. C’est ce qu’on appelle la “DC Implosion”, même si Marvel Comics réussit a s’en sortir en grattant jusqu’à 50% du marché.

À l’instar de l’âge d’Argent, la fin de l’âge de Bronze est liée à un certain nombre d’évènements et de tendances. Le point de terminaison couramment utilisé est la période 1984-1985, avec la sortie de Crisis in Infinite Earth chez DC Comics, qui mettra fin temporairement au Multivers géant et permettra à l’éditeur de récupérer ses parts de marché face à Marvel. Côté Marvel Comics, le jalon utilisé pour la fin de l’âge de Bronze des comics est la sortie de Secret Wars.

Crisis on Infinite Earths
Couverture de Crisis on Infinite Earths #1 en 1985.
Marvel Secret Wars
Couverture de Secret Wars #1 en 1984.

L'âge Moderne des comics (1986-aujourd'hui)

Appelé aussi l’âge Sombre des comics (Dark Age) à cause des très fortes influences matures comme Batman : The Dark Knight Returns, Watchmen ou Batman Année Un, c’est l’âge qui nous “concerne” le plus si tu es un lecteur de ma génération. En effet, il y a une vision très disruptive par rapport aux âges précédents qui implique une “révision déconstructive et dystopique des personnages emblématiques et des mondes dans lesquels ils vivent” redéfinissant ainsi le contenu des histoires, pour un public plus adulte.

Aidées par une évolution au fil des décennies du Comics Code Authority, des séries d’horreur et des anti-héros vont voir le jour comme Swamp Thing, Hellblazer, Wolverine ou encore Punisher. La violence physique et psychique, comme avec le Joker, ou des personnages moralement discutables vont avoir une notoriété de plus en plus grande, jusqu’à l’arrivée des séries de comics dédiées aux méchants.

L’âge moderne permet également la montée en force d’éditeurs indépendants comme Image Comics (Spawn, Walking dead, Invincible, …), Mirage Studios (Tortue Ninja) ou Dark Horse Comics (Hellboy, The Mask, Sin City, …). Dans la masse de nouveaux éditeurs, certains perdureront et d’autres se feront racheter par les deux mastodontes.

En plus des éditeurs indépendants, cet âge a vu de nombreux nouveaux talents venant du Royaume-Unis s’intégrer dans le paysage des comics américains. Nommée la “British Invasion”, cette migration des talents a ramené de grands noms tels qu’Alan Moore, Jamie Delano, Grant Morrison, Neil Gaiman, Garth Ennis ou Warren Ellis. La plupart de ces auteurs créent ou reprennent des comics destinés à des adultes, ce qui va entrainer la création de nouveaux labels plus mature, comme la collection Vertigo chez DC.

Marqué par de nombreuses “crises” dans les histoires, qui entrainent de nombreux reboots des univers et des Super-Héros, l’âge moderne qui est le plus long des âges majeurs, car toujours en cours, va se découper différemment en fonction des éditeurs : chez DC Comics, l’âge moderne est découpé en plusieurs “périodes” qui seront détaillées dans un article futur.

180 années d'histoire de comics

L’histoire des comics américains est longue et assez mouvementée, il y a tellement d’éléments à raconter qu’une synthèse est difficile. Par exemple je n’ai pas parlé du changement de format TPB (trade paperback, qui sera détaillé dans un article futur) ou de l’adaptation des comics sous d’autres formats, notamment en vidéo, alors que l’impact est grand sur le marché, surtout aujourd’hui avec le MCU et le DCEU.

À travers de grandes œuvres ou d’échecs commerciaux, l’éditeur DC Comics fait partie intégrante de cette histoire passionnante. Elle s’inscrit sur presque 180 années, devenant un des leaders mondiaux du marché de l’art séquentiel et faisant partie intégrante de la pop culture.

J’espère que ce petit voyage dans le temps a rendu plus clair la notion d’âge dans les comics, notamment les âges majeurs qui sont très utilisés par la communauté de lecteur plus ou moins anciens.

Sources

[1] Costello, Matthew J. Secret Identity Crisis: Comic Books and the Unmasking of Cold War America (Continuum, 2009), ISBN 978-0-8264-2998-8, p. 32

[2] Shirrel Rhoades, Peter Lang, A Complete History of American Comic Books (2008), ISBN 978-1-4331-0107-6 et 1-4331-0107-6, p.71

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9 réflexions sur “L’histoire des Comics à travers les âges”

  1. Bonne synthèse. Une petite faute dans un des dernier paragraphes du Silver Age: “Dardevil” est évidemment Daredevil… Et quelques espaces aussi en trop repérés au fil de la lecture…
    Peut-être indiquer entre parenthèses, au début du moins ou dans les titres, l’expression d’origine des appellation de périodes : Golden Age, Silver Age, Bronze Age, Modern Age.

  2. Merci beaucoup pour ton article et toutes tes recherches. Mon fils adore les Comics et je croyais que c’était un effet post seconde guerre mondiale. Je vois que cela remonte à loin ! Cette lecture était une belle surprise que j’ai hâte de partager avec mon fils !

  3. Étant assez fan de comics, je ne m’étais jamais imaginé qu’il y avait tous ces enjeux derrière. C’est très intéressant à savoir et cela explique la naissance de certains super-héros par rapport aux besoins des différents Ages.

    1. Merci pour ton retour Rudy 🙂
      Je t’avoue qu’en faisant mes recherches, je ne m’attendais pas à aller si loin tellement c’était passionnant 🙂

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